20 Sep Elliot Grassiano, fondateur de Microids, revient sur 37 ans d’histoire
Bonjour et heureux de vous revoir sur Microids Backstage, le blog où nous explorons les secrets de conception de vos jeux vidéo favoris ! Aujourd’hui, nous avons la chance de recevoir Elliot Grassiano : le fondateur et directeur des opérations de Microids.
En sa compagnie, nous allons pouvoir en apprendre davantage sur la création du groupe, à l’époque où l’on développait sur des écrans en 16 couleurs. Quelle était l’ambition d’Elliot lorsque tout a commencé en avril 1985, et comment se sont déroulées les premières années ? Comment une entreprise personnelle a-t-elle pu, au fil des ans, s’exporter sur tous les continents et adapter des licences telles qu’Agatha Christie et Les Aventures de Tintin ?
Nous allons répondre à ces questions et à bien davantage en écoutant Elliot Grassiano, créateur de l’un des plus anciens studios français en activité.
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Bonjour Elliot, et merci pour cet entretien ! Pour commencer, pouvez-vous nous raconter votre parcours avant de fonder Microids ?
J’ai une formation d’ingénieur généraliste. J’ai fait l’École nationale supérieure d’arts et métiers (ENSAM), et j’ai commencé à travailler dans l’aéronautique, sur des systèmes de guidage.
L’informatique était un hobby à l’époque. Je m’étais construit un micro-ordinateur au tout début des années 1980, et j’ai commencé à développer des jeux en passe-temps, en dehors de mes heures de travail. J’ai fait éditer un premier titre en 1984, par une toute jeune société qui s’appelait Loriciels. Le jeu se nommait Space Shuttle Simulator, et il est paru sur les micro-ordinateurs de l’époque (c’est-à-dire essentiellement Thomson MO5 et TO7).
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans la création et la commercialisation de jeux vidéo ?
La passion de l’informatique et du développement. J’ai créé un premier jeu chez moi, en plus de mon travail, que j’ai fait éditer par Loriciels. Cela a été un beau succès commercial à l’époque, et cela m’a donné l’envie et la volonté de créer ma propre société d’édition, et de développer mes propres titres.
Avez-vous été inspiré par certains jeux ou machines en particulier ?
À l’époque, il y avait relativement peu de machines disponibles. On avait l’Apple II, à des tarifs un petit peu prohibitifs. Mais aussi, en France notamment, l’arrivée des micro-ordinateurs Thomson TO7/70 et MO5, qui étaient inclus dans un plan du gouvernement appelé « Informatique pour tous ». Donc il y avait une base qui commençait à s’installer, d’où les premiers développements sur Thomson MO5, suivis très vite de l’Amstrad CPC, puis de l’Amiga et ainsi de suite.
Pouvez-vous nous expliquer le nom « Microids » ?
À la base, je voulais développer des jeux vidéo, mais aussi de la robotique grand public – des petits robots personnels notamment. Microids, c’est donc l’addition de « micro-informatique » et « androïdes » (dans le sens « robots »). Les jeux vidéo ont commencé en 1985… et la robotique n’a jamais démarré ! (rires)
Nous sommes en 1985, vous fondez l’entreprise. Quelle est votre ambition, votre idéal ?
L’ambition était de créer une société pérenne, ma propre société. De développer des jeux, d’entreprendre. À l’époque, cela faisait déjà à peu près quatre ou cinq ans que je travaillais comme ingénieur dans l’aéronautique.
De quelles personnes avez-vous décidé de vous entourer pour concrétiser ces objectifs ?
À l’origine, j’ai développé moi-même les premiers jeux. On était un, et très vite l’effectif a doublé ! (rires) Je me suis associé avec des gens que je connaissais, qui étaient ingénieurs comme moi, et nous développions à tour de bras. Et très vite s’est posée la question de la commercialisation et du marketing ; j’ai donc fait entrer au capital les patrons de Loriciels, qui amenaient une dimension distribution que je ne maîtrisais pas.
Êtes-vous partis sur certains genres de jeux plutôt que d’autres, aviez-vous une ligne éditoriale définie ?
Initialement, la société Microids était plutôt axée sur les jeux de simulation, compte tenu de ma formation et de ma culture technique. Des simulateurs de navette spatiale, de combat aérien…
Mais nous sommes aussi très vite allés vers le genre de l’aventure, avec le jeu Océania. Donc il y a eu majoritairement ces deux dimensions, quasiment dès le début de la société. Mais pas uniquement, car l’une des premières réussites majeures a été Grand Prix 500cc en 1986 : des courses de moto en écran divisé, ce qui était assez nouveau. Le jeu a été édité aux États-Unis sous le nom Superbike Challenge par Broderbund Software. C’était vraiment le premier gros succès chez Microids.
En quelques années seulement, Microids a connu un succès mondial, et est devenu éditeur et distributeur en plus de développeur. Pouvez-vous nous raconter cette période d’expansion ?
La partie édition s’est véritablement faite dans un second temps, je dirais à partir de 1992-1993. Nous avons fait beaucoup de développement les premières années, et nous vendions nos jeux sous licence à des éditeurs comme Broderbund et Activision. Nous sommes réellement devenus des éditeurs à partir de 1994-1995, avec relativement peu de moyens.
Près de 40 ans après ses débuts, Microids demeure incontournable dans l’industrie du jeu vidéo. Qu’est-ce qui a permis, selon vous, à la marque de rester pertinente au fil des tendances et des tournants technologiques ?
Je pense que nous sommes restés assez fidèles à une ligne éditoriale forte : les jeux d’aventure (même si nous explorons aujourd’hui des genres variés). De plus, nous avons volontairement toujours eu une dimension grand public.
Une autre caractéristique de Microids, que ce soit avant ou maintenant, cela a été de travailler avec des auteurs – sur un certain nombre de titres majeurs en tout cas. Que ce soit Benoît Sokal pour L’Amerzone et Syberia, ou Bernard Werber pour Les Fourmis et nos projets en cours.
Que penserait votre « moi » des années 1980 s’il voyait ce qu’est devenu Microids ?
Je serais fier que la société et la marque que j’ai créées il y a près de 40 ans existent toujours, bien qu’elles aient beaucoup évolué.
De quoi êtes-vous le plus heureux dans votre histoire avec Microids ? Un jeu vidéo, une licence, une initiative…
Il y en a plusieurs, mais parmi les points les plus marquants, il y a évidemment la rencontre avec Benoît Sokal, qui a conduit à toute la ligne de produits que l’on connaît. Je rajouterais aussi la rencontre avec Bernard Werber, qui est devenu un ami depuis 20 ans.
Pour finir, quel serait votre principal conseil aux jeunes talents qui souhaitent se lancer dans le jeu vidéo ?
Ce qui est difficile, c’est qu’aujourd’hui se lancer dans le jeu vidéo, c’est extrêmement vaste. On peut faire du développement, de la création graphique, de l’écriture de scénarios, de la production… Il y a près de 40 ans, une seule personne ou une micro-équipe pouvaient développer un jeu. Aujourd’hui, même si cela reste encore possible, c’est essentiellement un travail d’équipe (et de grosse équipe).
Pour se lancer dans le jeu vidéo, je dirais qu’il faut bien s’entourer. Créer une vraie équipe avec un ensemble de talents artistiques, techniques, graphiques. Et je rajouterais qu’il est nécessaire de bien se financer dès le début.
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Merci encore Elliot pour cet échange ! Amis lecteurs, n’hésitez pas à partager cet article s’il vous a plu, et à bientôt sur Microids Backstage pour d’autres excursions dans nos coulisses.