27 Mar Front Mission 1St Remake : Rencontre avec Sébastien Poncelet
Pouvez-vous nous présenter un peu votre parcours universitaire et professionnel ?
Je joue de la guitare depuis l’âge de 12 ans et j’ai même gagné plusieurs concours nationaux. Je joue aussi de la batterie et du piano et je chante beaucoup. J’ai été chanteur et guitariste dans des groupes de rock/métal, ce qui m’a permis d’acquérir pas mal d’expérience. À 20 ans, j’ai signé un contrat avec un gros label et j’ai arrêté mes études de psychologie pour me concentrer sur ma carrière musicale… au grand désespoir de mes parents. 🙂 J’ai rencontré des personnes incroyables à l’occasion des concerts que j’ai donnés en France et dans d’autres pays. À côté de ça, j’ai aussi travaillé dans la publicité, j’ai été compositeur, sound designer, créateur, éditeur et voix off à la télé. J’ai d’ailleurs prêté ma voix à de nombreuses grandes marques, ce qui a bien fait rire mes proches ! ^^
En 2003, j’ai commencé à composer des musiques pour des jeux flash, qui étaient à la mode à l’époque, et pour quelques studios de jeux vidéo parisiens indépendants.
Petite anecdote : peu de gens savent que ma musique a littéralement fait le tour du monde : en 2012, j’ai composé la bande originale d’un court-métrage réalisé en collaboration avec l’ESA (Agence spatiale européenne) et le CNES (Centre national d’études spatiales). Ma musique a été envoyée sur l’ISS à bord de la fusée Ariane 5. Ce court-métrage sur DVD visait à démontrer que les jeunes issus de milieux défavorisés ont le droit de rêver : avec de la volonté, tout est possible ! Ma bande originale a parcouru pas moins de 17 000 orbites avant de redescendre sur Terre !
Comment aborde-t-on la création d’une bande son pour un jeu vidéo ?
Pour la composition/conception sonore, je pars de zéro pour apporter une véritable personnalité à l’univers graphique du projet. La plupart des gens pensent que la musique (et les sons en général) est un simple fond sonore, mais de nombreux réalisateurs vous diront au contraire qu’elle est essentielle ! Si vous changez la musique d’une scène, vous obtenez un tout autre résultat ! Je travaille main dans la main avec les directeurs artistiques et les chefs de projets et c’est toujours un bonheur d’avoir une telle relation de confiance et des échanges aussi enrichissants qui m’aident à créer l’identité sonore la mieux adaptée au jeu.
Ensuite, je passe à ce que j’appellerais la « restauration », une phase pendant laquelle je retravaille des œuvres originales des années 90/2000 pour leur donner une nouvelle jeunesse, à l’instar d’un restaurateur de tableaux. J’apporte en plus mon propre style et j’ajoute une touche plus moderne. J’essaye de respecter le travail des artistes d’origine et de coller au plus près du titre original grâce à des logiciels modernes qui permettent d’apporter une nouvelle dimension. C’est une forme d’hommage, en quelque sorte ! Certains titres sur lesquels j’ai travaillé étaient composés en lignes de code, c’est tout simplement incroyable !
Ces compositeurs sont de véritables génies. Parfois, les structures complexes de leurs morceaux me poussent dans mes derniers retranchements ! Je les admire vraiment ! Pour finir, j’utilise le texte et les voix pour écrire les dialogues, mais aussi pour enregistrer et jouer avec différentes voix, du vieux sage au zombie répugnant en passant par des chants dans le plus pur style de Disney ou de « L’Étrange Noël de monsieur Jack ». C’est vraiment un travail captivant !
Qu’est ce qui a été le plus compliqué dans le fait de « moderniser » la bande son du jeu premier Front Mission ?
Les BPM (battements par minute) de la bande originale de Front Mission m’ont beaucoup surpris. En général, les musiques de jeux vidéo ou les titres diffusés à la radio utilisent des grilles rythmiques assez simples de 80, 90 ou 130 BPM. Ici, on trouve des tempos de 92,576 ou 129,982 BPM, une mesure en 7/4 et d’autres fluctuations temporelles en plein milieu d’un titre ! J’ai donc commencé par déchiffrer chaque rythme en l’important dans DAW (Digital Audio Workstation), ce qui a représenté une grosse partie de mon travail.
Ensuite, j’ai analysé la structure du morceau et cherché à identifier les sons. En fonction de la complexité du titre, je peux passer 1 ou 2 jours, voire plus d’une semaine, sur cette tâche. Je tiens à préciser que je n’écoute jamais les musiques en avance, je préfère me garder la surprise.
Mes amis et mes clients vous le diront, je suis très exigeant : je peux passer des heures entières sur une boucle de quelques mesures pour trouver le son ou l’accord parfait !
Je peux passer des heures entières sur une boucle de quelques mesures pour trouver le son ou l’accord parfait !
Comment s’est passé votre collaboration avec SQEX ?
Je n’ai jamais eu de contact direct avec Square Enix, mais je les connais, bien sûr. Je suis d’ailleurs en train de jouer à « Guardians of the Galaxy », que j’adore ! Je suis très fier d’avoir pu travailler sur FM1 et, d’après ce que j’ai compris, ils ont apprécié mon travail. J’ai envie de leur dire, « si vous avez besoin de moi pour la suite, vous savez où me trouver ! » 🙂
Avez-vous eu l’occasion d’échanger avec Yoko Shimomura qui avait participé à la BO originale ?
Malheureusement non, mais j’aurais adoré ! Je ne sais pas si elle a écouté mes compositions, mais si c’est le cas, j’espère qu’elle a apprécié. Comme je l’ai déjà dit, je voulais lui rendre hommage et me rapprocher au maximum de son œuvre ! Je suis donc honoré d’avoir pu apporter ma patte à cette bande originale exceptionnelle !
Quels sont les outils que vous utilisez ?
Actuellement, je travaille sur PC avec Cubase Pro 11. J’ai une carte son RME UCX II, des écrans ADAM 7X, un clavier maître et divers logiciels tels que Kontakt de Native Instruments ou Hollywood Orchestra Opus d’EastWest. Ce dernier est une vraie machine de guerre qui monte à 2,5 To : il a révolutionné mon approche de la musique classique (une véritable passion pour moi) dans mes dernières productions originales ! Parfois, j’utilise ma guitare (une PRS SE personnalisée) que je connecte à un vieil amplificateur Vox Tonelab qui fait largement l’affaire en studio !
Pouvez-vous nous donner votre Top 5 des BO de JV que vous préférez ?
J’ai commencé à jouer quand j’avais 5 ou 6 ans, il y a environ 40 ans, ce qui ne me rajeunit pas… J’ai assisté à l’avènement des voix numériques et j’ai vu pas mal de styles défiler. Je dois avouer que certains de mes titres favoris commencent à dater un peu !
– Pitfall 2 (Atari 2600 – 1984) de David Crane. Ce titre me hante depuis que je suis petit, je n’arrive pas à m’en défaire ! Je devrais peut-être faire une reprise, juste pour le plaisir !
– Xenon 2 (Amiga – 1989) et Speedball 2 (Amiga 500 – 1990). À l’époque, l’électro des Bitmap Brothers représentait le top du top ! Si vous aimez les jeux vidéo, je ne peux que vous recommander d’écouter !
– Life is Strange 1 et 2 (PC – 2015/2019) de Jonathan Morali. Ce petit chef-d’œuvre est un concentré d’émotions qui colle parfaitement à l’histoire !
– The Deus Ex : Mankind Divided (PC – 2016) de Michael McCain, Sascha, Dikiciyan et Ed Harrison. Les instruments, l’harmonie, l’ambiance globale du morceau : c’est bien simple, tout me plaît !
– The Legend of Zelda : Ocarina of Time (Nintendo 64, 1998). C’est juste un chef-d’œuvre ! Que dire de plus ?
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